Le nez dans un livre sur les insectes, mes pas me menèrent tranquillement à la gare de train. Aujourd'hui était une journée particulièrement magnifique. Le vent faisait parfois tourner mes pages pendant que je lisais et ça m'énervait un peu, mais mise à part ce détail, la température était parfaite. Ce jour de printemps était tout à fait reposant. À voir le visage des gens, on voyait tout de suite à quel point ils étaient satisfaits de quitter cette période froide et rude que l'on appelait l'hiver. Pourtant, comment pouvaient-ils être aussi joyeux? Ne voyaient-ils donc pas que, cette année, plus la neige fondait, plus on pouvait voir les déchets laissés par terre depuis l'été dernier? Ne se rendaient-ils donc pas compte à quel point, nous, humains, étions parfois trop préoccupés par notre bonheur personnel que par ce que pouvait advenir notre belle Terre? Je m'arrêta net lorsqu'une bouteille vide vint rouler à mes pieds à cause du vent. Je me penchai, la ramassai, et après l'avoir mis dans un bac de recyclage, continuai mon chemin en direction de la gare. Comment pouvaient-ils être si indifférents à ce qui leur sautais aux yeux pourtant chaque seconde? Je laissa malgré moi échapper un soupir de ma bouche avant d'attendre patiemment le premier wagon de train de banlieue qui arriverait bientôt.

Toujours sans lever le nez de mon livre, après quelques minutes d'attente, le train arriva, et je pris soin de me trouver une place confortable, dans un petit coin bien banal. Mon livre me passionnait. D'ailleurs, j'étais justement en route pour acheter le tome deux. Ce que je lisais était en fait un gros volume vert foncé sur les mantes religieuses. Ces magnifiques petites bêtes sont une espèce d'insecte de la famille des Mantidae. C'est la seule espèce du genre Mantis actuellement acceptée. Elle appartient à l'ordre des Mantoptères, ordre d'insectes très répandu sous les tropiques, mais également bien représenté en zone méditerranéenne. On appelle cette créature « religieuse » en raison de ses pattes antérieures qu’elle replie comme pour prier quand elle est à l’affût d’une proie. Plus je lisais ce genre d'informations à son sujet, plus ma soif de connaissances se sentait comblée. Mais il m'en fallait toujours plus. Je dévorais chaque chapitre mon livre avec assiduité et passion. Si bien que je finis par ne porter aucune attention à ce qui se passait autour de moi.

Un son se fit entendre, un mouvement brusque fit arrêter le wagon, mon regard se relevant aussitôt de mon gros livre. Une voix de dame disait, à travers une radio "Vous êtes arrivés au terminus.Merci d'avoir choisit nos transports. " Mes yeux restèrent figés dans le vide un instant, avant de me relever subitement. M...mais alors, j'avais littéralement raté mon arrêt ! Idiote que je suis. Distraite, empotée, appelez-moi comme vous voulez. J'avais vraiment raté mon arrêt, et m'était retrouvée au beau milieu de nulle part, là où les trains étaient remis en entrepôt pour en laisser partir un autre. Je descendit rapidement de la voiture du train avant de me rendre compte qu'il ne restait personne d'autre que moi dans le train. Tous étaient descendus au centre-ville, cet endroit étant tellement peu visité. Je m'adressa cependant à une dame du personnel du train.

''Heu...m...madame... y a-t-il un moyen de retourner en ville?''

Elle me sourit, et me pointa un rail... vide.

''Oui, le train qui s'y rendait vient tout juste de partir. Désolée ma petite, mais le prochain train n'arrivera pas avant une bonne heure...''

Ma tête fit une dégringolade vers le bas. Je crois qu'on aurait pût voir à quel point ma joie venait tout juste de se dissiper en un instant.

''Merci madame, c'est gentil de m'informer...''


Je cherchai par la suite un banc du regard... voire même, n'importe quel endroit où m'asseoir tranquillement pour continuer à lire. Après tout, si le temps avait passé si vite alors que j'étais en train de lire dans le train, je me suis dit que le temps passerait tout aussi rapidement pour attendre le prochain. Pourtant, au lieu de cela, mes yeux furent comme attirés par un petit chemin s'égarant de la gare. Ce chemin paraissait à peine à travers les arbres qui l'entouraient. Moi qui n'avait que très peu souvent l'occasion de me retrouver en pleine nature, je décidai d'aller y jeter un coup d'oeil. Qui sait, peut-être croiserais-je des insectes intéressants en chemin?

J'arrivais face au sentier quand je décidai finalement de l'emprunter. Des arbres entouraient celui-ci, et certains étaient plus gros que des édifices en ville. On entendit le vent souffler à travers leur feuillage pour créer une mélodie relaxante. J'observai les alentours avec étonnement et émerveillement. Jamais je n'aurais cru me retrouver dans un endroit pareil en cette banale journée de printemps. Je fusse tout aussi étonnée que de si beaux paysages intouchés pas les humains demeurent encore si purs sur notre planète. J'adorais ça. J'inspirai un grand coup d'air frais avant de me mettre à tout analyser, comme à mon habitude. La forme des arbres, leur type, la pureté de l’air… le sol qui n’avait jamais été piéti… non, quelqu’un était passé par là. Qui pouvait bien se retrouver dans un endroit si loin de la ville et de tous les commerces environnants? Je suivis les traces de pas pour voir jusqu’où elles menaient, et après quelques minutes, je me retrouvais face à un lac immense. Évidemment, après la vue de celui-ci, je reculai d’un grand pas, et observai, derrière un arbre du haut d’une petite colline, qui avait bien pût venir ici. Une jeune fille qui semblait un peu plus vieille que moi semblait être en train d’étudier près d’un arbre. Pour tout dire, je trouvais cette scène plutôt banale au départ. Après tout, il n’y a rien de mal à se chercher un petit coin isolé pour lire en toute tranquillité. Tout vint ruiner le calme de la jeune fille alors qu’un type tomba de l’arbre sur lequel elle s’était adossée. Moi, je restais tranquillement au loin à me demander ce qu’ils pouvaient bien ficher.

Alors que je m’apprêtais à repartir, mon pied glissa, me faisant dévaler la colline. L’instant d’après, mon visage et mes vêtements étaient couverts de rosée tombée sur l’herbe encore toute fraîche. Je tentai de me relever malgré toute la honte qui semblait peser sur mes épaules à cet instant. Le visage tout rouge, je n’osai pas faire autre chose que chercher mon livre… perdu à jamais. Celui-ci était tombé dans le lac, alors que j’avais fait tant d’économies pour me le procurer. Je retombai par la suite sur le sol trempé, faible, désespérée, et surtout, couverte de honte.

Mon corps entier était trempé, mes os, froids et douloureux. Il faut croire qu'il ne s'agissait que d'une banale sortie pour aller chez le libraire, et ça avait finit par se retourner contre moi. Comment avais-je pu être aussi maladroite?

La question ne se posait même pas il faut croire. Du moins, il était trop tard pour se la poser. Mon livre avait déjà dût en avaler, des litres... Et puis d'abord, mon état physique lui-même laissait en ce moment à désirer. Je tentais peu à peu de me relever, les muscles endoloris par ma précédente chute de quelques mètres. Tordant par la suite les plis de ma robe pour y enlever l'eau, je tentais de replacer mon serre-tête en prenant soin de remettre en place les cheveux qui s'étaient interposés devant mon visage. Alors que j'eusse rapidement constaté que deux personnes se trouvaient près de moi, il était trop tard pour qu'on eusse pas remarqué ma chute abracadabrante. La jeune étudiante de tout à l'heure semblait toujours coincée sous l'autre type aux cheveux verts, qui venait à peine de se réveiller. Visiblement, ils n'avaient pas l'air de se connaître. Après tout, quel genre d'ami aurait surgit par surprise du haut d'un arbre en tombant sur sa pote? Quoi que, on rencontrait toutes sortes de personnes, de nos jours. Lorsque je me rendit finalement compte que les deux individus avaient désormais posés leur regard sur moi, je me mis soudainement à rougir et à devenir encore plus honteuse qu'au préalable.

"AH JE... JE SUIS DÉSOLÉE..."

Pourquoi je m'excusais dans un tel état de panique? Quelle mouche m'avait piquée? Je n'allais quand même pas commencer à m'excuser pour quelque chose dont je ne connaissais pas la nature de mes excuses... ah, si, c'était ça.

"Oh pardon... je...enfin... je passais par là mais, je ne voulais pas vous déranger... hehe..."

Après avoir ramené mon regard vers le bas, je vis ben évidemment que le jeune garçon n e se trouvait pas à plus d'Un mètre de ma personne. Il s,était dégagé, mais son ventre semblait le faire souffrir, le pauvre. Je me décidai à l'aider à se relever. La chute avait dût être rude pour l'un, et la réception, lourde pour l'autre. Je vins tendre ma main vers le jeune garçon aux cheveux verts et aux habits plutôt étranges. Il était mignon... pourtant, à ce moment là, il avait vraiment l'air débile... L'adolescente qui se trouvait précédemment en dessous de lui, ne semblait pas se réjouir de la situation momentanée. Remarque, à sa place, j'aurais fait pareil. Je pris soin de lui accorder un petit sourire, malgré moi hésitant, avant de tenter de le tirer délicatement pour l'aider à se relever. J'étais trempée et je n'avais pas une très bonne mine, mais je fis tout mon possible pour lui démontrer à quel point j'étais désolée de m'interposer face à eux sans m'être présentée... Oh, d'ailleurs.

"Vous avez dût vous faire mal non? Je... je m'appelle Mizuiro... je sais bien que je n'aurais pas dût me mêler de vos affaires mais... vous sembliez tous les deux en mauvaise posture...et..."

Je leur adressa tous deux un autre petit sourire dans lequel on pouvait déceler quelques marques d'embêtement. Après tout, c'était une situation plutôt inhabituelle pour faire des rencontres.